By Laurent Joffrin in Le Nouvel Observteur
Comme un écho au livre controversé de Francis Fukuyama (La fin de l'histoire et le dernier homme) qui est d'une actualité brulante, Laurent Joffrin commet un article qui nous interpelle, nous citoyens de la zone" printemps arabe". Oui M. Joffrin, il est fort regrettable de constater que des démocratures sont en cours d'installation dans notre région. Ce qui est encore plus regrettable c'est que les sponsors de ces démocratures, qui furent aussi les sponsors des "printemps arabe", ne semblent pas avoir compris le message des peuples de la région.
Je vous laisse, chers lecteurs, apprécier le texte de M. Joffrin en vous suggérant vivement de lire le livre de Francis Fukuyama..... Slim Othmani
Comme un écho au livre controversé de Francis Fukuyama (La fin de l'histoire et le dernier homme) qui est d'une actualité brulante, Laurent Joffrin commet un article qui nous interpelle, nous citoyens de la zone" printemps arabe". Oui M. Joffrin, il est fort regrettable de constater que des démocratures sont en cours d'installation dans notre région. Ce qui est encore plus regrettable c'est que les sponsors de ces démocratures, qui furent aussi les sponsors des "printemps arabe", ne semblent pas avoir compris le message des peuples de la région.
Je vous laisse, chers lecteurs, apprécier le texte de M. Joffrin en vous suggérant vivement de lire le livre de Francis Fukuyama..... Slim Othmani
Poutine, Brejnev,
même combat... La condamnation
par la justice Poutinienne de trois artistes
punk du groupe Pussy Riot à deux ans de camp de travail pour << crime d'impertinence >>
n’est pas seulement la honteuse résurrection dans le postcommunisme
des méthodes de fer en usage du temps de l'URSS totalitaire. Comme le blocage
de l'action internationale contre le tortionnaire Assad par la Chine et la Russie,
elle symbolise l'émergence de plus en plus menaçante d'un nouveau régime politique,
qui pourrait devenir dans
les années qui viennent l'ennemi principal de nos démocraties: la démocrature.
La mollesse consternante des réactions internationales à ce jugement inique
- Paul McCartney
et Madonna ont plus fait pour les Pussy Riot qu'Obama
et Hollande réunis- montre que les gouvernements des démocraties n'ont pas encore mesuré le danger représenté par ces systèmes politiques neufs, conquérants, adaptés au XXI• siècle,
qui forment un mélange redoutable
de démocratie et de dictature.
Les démocratures sont nées de la chute du communisme. Elles se distinguent de l'ancienne dictature totalitaire par une acceptation de
l'économie de marché, par un recours
plus mesuré à la
répression et par l'instauration d'une démocratie politique partielle. Ainsi la Russie de Poutine tolère-t-elle une opposition même si elle la persécute. Ainsi la Chine désormais vouée au capitalisme sauvage, quoique beaucoup
plus répressive que la
Russie, desserre-t-elle progressivement l'emprise totalitaire jusque-là exercée
par le Parti communiste chinois.
Les démocratures ont remplacé la défunte idéologie
communiste. On ne saurait
les assimiler à de simples dictatures:
si le peuple
russe rejette massivement
Poutine, il est probable
qu'il sera contraint de
se retirer; son gouvernement se
garde de supprimer toute
opposition et reste soucieux de son image internationale; le régime chinois souligne régulièrement qu'il a mis fin aux sanglantes utopies de l'ère Mao et laisse se développer une classe moyenne
qui prendra nécessairement son autonomie par rapport à l'Etat. Mais au nom du redressement national de pays humiliés par l'Occident, leurs classes dirigeantes
recourent à des mesures
autoritaires et ne cessent de
piétiner, d'une manière
ou d'une autre,
les libertés publiques et la volonté populaire.
Régime d'autorité enrobé dans une démocratie formelle,
ambition nationaliste, répression plus ou moins ouverte, volonté d'être accepté dans le concert
des nations: ces traits se retrouvent dans bien d'autres pays à l'histoire fort différente. Gouvernée par un parti religieux <<
modéré >> et respectueux de certaines formes démocratiques, la Turquie
établit progressivement un régime islamiste << soft >> à visage démocratique, autrement dit une démocrature musulmane.
Le Venezuela de Chavez conjugue
l'antiaméricanisme, les réformes sociales et les penchants
autoritaires qui en font une démocrature de gauche. Singapour
vit depuis longtemps dans ce régime hybride théorisé
par son leader historique Lee Kuan Yew. Le projet des
partis islamistes d'Egypte, de Libye ou
de Tunisie se situe à mi-chemin des aspirations démocratiques du << printemps arabe >> et des dictatures religieuses au nom d'Allah. Et si l'on écoute bien les leaders
des partis d'extrême droite populistes
qui fleurissent au sein de l'Union
européenne,
on retrouvera dans la combinaison d'une revendication identitaire
agressive, de mesures radicales contre l'immigration et la délinquance et d'un appel à la volonté
populaire une forme européenne de
démocrature.
Considérées souvent comme des régimes de transition
vers la démocratie, les démocratures ourraient bien au contraire s'installer durablement dans le paysage international. Fondées sur l'économie de marché, elles ne souffrent pas des tares des économies
entièrement collectivisées; pratiquant une répression à la fois cruelle et
mesurée, elles échappent au rejet universel qui frappe les dictatures à l'ancienne comme celles de Syrie ou de
Corée du Nord; remportant de grands succès technologiques et économiques, elles parlent maintenant d'égal à égal avec les anciennes démocraties engluées dans la crise financière et la stagnation. Efficaces,
volontaristes, financièrement prospères grâce à leur mercantilisme, fondées sur
des valeurs à la fois
populaires et conservatrices, elles peuvent offrir à nos démocraties une alternative
dangereuse et crédible. Au sein même des démocraties,
elles ont ou elles auront leurs avocats. Les capitalistes voient déjà en elles un eldorado sous contrôle, favorable
aux investissements étrangers; les conservateurs sont séduits
par leur stabilité politique et leur appel aux valeurs traditionnelles;
certains tiers-mondistes attardés verront en elles une
forme de résistance
à l'uniformisation occidentale. Leur puissance militaire,
encore ténue, pourrait
bien se hisser progressivement
au niveau de leur force démographique et économique. Ainsi, loin d'être dominées
par la << guerre contre le terrorisme>>, par la lutte contre l'islamisme ou par le<< choc des civilisations>>, les années qui viennent pourraient bien être le théâtre
d'un affrontement de plus en plus tendu entre
démocratures et démocraties, qui viendrait remplacer
l'ancienne guerre froide entre démocraties et communisme. Pour cette raison la
mollesse des réactions
européennes face aux iniquités poutiniennes n'est pas seulement une lâcheté. Elle
traduit un aveuglement stratégique. L. J.