Préambule
L’objectif d’une intégration économique et monétaire maghrébine peut paraître ambitieux et pour certains anachronique eu égard à la situation géostratégique conflictuelle que connaît le Maghreb depuis plus de trente ans. A contrario les populations et les forces vives aspirent à l’Union. En témoignent les créations d’associations professionnelles maghrébines dans différents domaines (bancaire, économique, culturel, juridique, sportif, syndical, patronal…).
Évoquer la possibilité de réaliser une union économique et monétaire à l’échelle maghrébine n’est pas une utopie mais la perspective la plus prometteuse au profit des générations futures. Les dirigeants politiques qui prendraient l’initiative d’une telle construction inscriraient de leur empreinte l’Histoire de cette région avec un grand H et celle de toute la région.
Un tel dessein est facteur de développement économique et créateur d’emplois. Il engendre une dynamique de mobilisation des ressources matérielles et humaines en faveur de la stabilité sociale et de la paix. En tenant compte des spécificités du Maghreb et du refus probable, au moins pendant quelques décennies, d’abandonner la monnaie nationale et par-là même de transférer la souveraineté monétaire à une entité supranationale, je propose de mettre en place une monnaie commune dans un premier temps qui cohabiterait avec les monnaies nationales. Le temps qui sera nécessaire à parachever la première étape avant d’aboutir à la phase ultime, celle de la création d’une monnaie unique, dépendra du rythme d’accélération du processus de convergences économiques et structurelles, de l’accroissement des échanges intra-maghrébins et de la volonté politique des autorités nationales en place. Le rôle d’une monnaie commune est de faciliter les échanges de biens, de services et de capitaux sans altérer le droit de battre monnaie de chaque État. L’objectif est de passer d’un taux des échanges entre pays de l’UMA de 2 à 40 %, ce qui est la moyenne des échanges au sein des zones économiques internationales.
Dès 1990, les travaux des comités d’experts sous l’égide du conseil présidentiel de l’UMA liait l’instauration d’un marché commun maghrébin et le libre-échange à la question des taux de changes (Cf. Mohamed BEN EL HASSAN ALA OUI, 1994, p. 164). Contrairement à la construction européenne basée sur des accords monétaires en négligeant le pilier économique (expression de J. Delors), le projet soumis dans ce livre est de construire d’abord les convergences économiques en s’appuyant sur des coopérations réelles. La monnaie commune n’est qu'un facilitateur. L’Histoire de l’Europe est marquée par des guerres fratricides et des volontés de domination discordantes aboutissant à des centaines de milliers de victimes. La Communauté économique européenne (CEE) née avec le traité de Rome en 1958 (13 ans près la 2ème guerre mondiale) s’est constituée sur des bases économiques.
L’Union européenne, même si elle intègre des accords politiques et sociétaux, demeure à dominante économique et monétaire. La Chine entretient les meilleures relations économiques avec Taiwan. Les entreprises taïwanaises investissent massivement dans les provinces chinoises. Pourtant les deux pays sont en guerre déclarée. La Chine n’a jamais renoncé au rattachement de Taiwan à son territoire. Le pari de cet ouvrage est de tracer les grands axes de coopérations mutuellement avantageuses par la réalisation de convergences monétaires et la mise en place d’une monnaie commune puis unique dans une étape ultime.
De ce point de vue, la concrétisation de ce projet, peut déclencher des velléités de résolution des tensions géostratégiques actuellement dominantes. M. Medelci, ministre algérien des affaires étrangères n’a-t-il pas exprimé en 2010 le souhait d’avancer vers des accords économiques en mettant de côté les conflits politiques ? Le ministère de l’économie et des finances du Maroc a réalisé des études sur les conséquences néfastes du non-Maghreb sur les échanges commerciaux allant dans le sens d’une volonté gouvernementale de réouverture des frontières et d’un accroissement des relations commerciales et du partenariat. La Tunisie et la Mauritanie ont tout à gagner de l’Union économique et monétaire, et elles le font savoir.
Plusieurs études ont montré que la durée de vie des exploitations pétrolières algériennes ne dépasserait pas 15 à 20 ans. L’extraction du gaz algérien ne peut durer éternellement. Les découvertes en mars 2010 de nouvelles méthodes de production du gaz non conventionnel conjuguées à la découverte de nouveaux gisements feront chuter les cours. L’Algérie a souffert en 2008/2009 d’un effet ciseaux ; hausse des importations et baisse des recettes pétrolière et gazière. Le Forum des pays exportateurs de gaz, qui s’est tenu à Oran du 18 au 21/2010, s’est inquiété de la chute des prix du gaz, qui semble s’inscrire dans la durée.
Le quotidien Liberté, en date du 26/07/2010, cite le rapport de la Commission de Régulation du Gaz et de l’électricité (CRE G) sur les besoins en gaz, qui aboutit à une conclusion étonnante : “L’Algérie cessera d’exporter du gaz à partir de 2017-2018. Les principaux gisements de gaz, Hassi R’mel, Alrar, Stah, ont été malmenés”, souligne un expert national spécialiste en hydrocarbures. Différentes sources concordantes font état d’une production de gaz en voie d’essoufflement en raison de l’intensification de l’extraction de gaz poursuivie depuis 2000, non compensée par des découvertes majeures d’hydrocarbures. Autres sujets d’inquiétudes largement repris par la presse algérienne (El Watan, Al Khabar, Liberté,…), le rendement des placements des réserves de changes en bons de Trésor étasuniens1.
Je fais partie des experts qui prédisent, des poussées inflationnistes, aux états-Unis et en Europe, afin de provoquer la réduction de leur endettement réel. L’Union économique et monétaire du Maghreb s’inscrit dans une logique de long terme. Le développement de l’un assurera celui de son partenaire. La consolidation des convergences économiques atténuera les différentes politiques à terme. Le Maroc a tout intérêt à accepter la proposition de M. Medelci de commencer par bâtir l’UMA sur le plan économique en mettant de côté les différends politiques. La consolidation des convergences économiques atténuera ces derniers à terme.
Editions Cabrera, Paris, 2011 isbn : 978235606 - 027 - 3