Interview ALTA News (AN)
AN
Monsieur
Slim Othmani vous êtes certes industriel en agroalimentaire mais votre
engagement et votre contribution à l’amélioration du climat des affaires en
Algérie, ne sont plus à prouver. Vous avez maintes fois évoqué la vision de
« L’Algérie Hub Energétique de la Méditerranée et de l’Afrique
Sub-saharienne » ceci lors de diverses rencontres, séminaires et autres.
Certes l’idée n’est peut-être pas nouvelle mais ce qui la différencie des
autres approches c’est le mot Vision qui lui donne une autre dimension.
Quels
sont les arguments qui plaident pour une telle vision ?
Merci
de me donner la chance de m’exprimer dans ce numéro spécial consacré à l’énergie,
j’en suis flatté. Effectivement, l’idée en elle-même n’a certainement rien
d’exceptionnel. Cependant, l’originalité tient au fait de transformer l’idée en
Vision.
L’Algérie
a grandement besoin d’un projet mobilisateur et réaliste, qui redonnerait
confiance à sa population et qui replacerait l’Algérie dans l’espace économique
Méditerranéen et Africain comme producteur de savoir et de richesse et non
comme seul consommateur, ce qui est actuellement le cas.
Mais
au-delà de toutes ces considérations, qui peuvent paraître métaphysiques pour
certains, l’Algérie, je ne vous apprends rien, est belle et bien un réservoir
de toutes sortes de sources d’énergies : Fossiles, solaires, éoliens,
nucléaire … et en cette période d’incertitude énergétique, c’est probablement
l’un des arguments les plus forts. Je ne serais pas en mesure de donner un
chiffre sur le niveau d’exploitation du potentiel énergétique de l’Algérie mais
intuitivement je peux me permettre d’avancer qu’il doit être bien bas.
Quels
changements profonds dans la société Algérienne cette vision impliquerait-elle
et quels sont les pré-requis à la mise en œuvre d’une telle vision ?
Une
telle vision, si elle venait à être mise en œuvre, modifierait profondément
l’environnement socio-économique algérien, dans le sens ou toute la société
sera motivée par la concrétisation d’un
projet de société, générateur de bien être, dont les profits seront partagés
par tous. Les profits dans tous les sens du terme : éducation, santé,
infrastructure,…en un mot nous savons pourquoi nous travaillons et nous en
connaissons les tenants et aboutissants.
Nous
ne parlons pas ici d’une vision utopique, mais bien d’une vision quantifiable
et mesurable. Evidement, des pré-requis sont indispensables et ils ne sont pas
insurmontables. En effet, une telle mise en œuvre doit trouver l’adhésion de
tous, il faudra donc beaucoup communiquer et convaincre sur le bien fondé de
cette vision, de façon à mobiliser la masse critique, nécessaire à créer cet
effet d’entrainement voire même d’euphorie autour d’un projet de société qui va
sans conteste modifier le quotidien de l’Algérien.
Quelles
seraient les implications pour les autres secteurs tels que l’agroalimentaire,
le textile, l’agriculture, les services … ?
Sans
aucun doute, l’effet sera plus que bénéfique. Il y aura un véritable effet
d’entrainement de toute l’économie dans son ensemble. Il me vient souvent à
rêver que l’Algérie a lancé un grand programme d’incitation à l’attention des
leaders du solaire et de l’éolien afin qu’ils délocalisent, leurs centres de
recherches et leurs centres de production, transformant de facto l’Algérie en
technopole mondiale des énergies de substitution. Il faudra bien, pour rendre
l’Algérie attractive, bien nourrir, bien loger, bien soigner, bien éduquer, bien
transporter et offrir un autre confort de vie à tous ce beau monde : ces
spécialistes venus de partout, qu’ils soient Algériens ou étrangers. C’est donc
toute l’économie dans son ensemble qui en bénéficiera et qui se mettra en
marche vers cette vision.
Râ,
le dieu soleil et de l’énergie, par extension, est une nouvelle fois à
l’honneur à travers une réalisation quasi pharaonique si je puis me permettre
la comparaison.
Comment
s’inscrirait la politique actuelle du ministère de l’énergie, dans cette
vision ?
Je
le redis, je ne suis pas un spécialiste des questions énergétiques mais à
travers les diverses rencontres et échanges que nous avons eu, nous patronat
Algérien, avec le ministère de l’énergie et des mines, nous sentons
parfaitement que la question de souveraineté pour tout ce qui concerne l’énergie
est omni présente ; à laquelle il faut ajouter la mauvaise perception qu’a
le ministère des capacités entrepreneuriales du secteur privé Algérien. Les
arguments avancés sont plus que discutables mais telle n’est pas la question.
Nous
observons malheureusement un développement des activités énergétiques sans implication
et sans concertation avec la société algérienne. Il y a certes des initiatives
ou des projets réalisés ou en cours de réalisation mais ils ne s’inscrivent pas
dans une vision partagée et connue de tous. Seuls les initiés y ont accès.
C’est bien dommage car je suis convaincu que bien d’autres horizons que ceux de
l’import-export pourraient être offert aux jeunes talents algériens. Malheureusement
ceci nous ramène à l’eternel question du rapport qu’ont entretenu, les
gouvernements qui ses ont succédés, avec la population : un rapport
paternaliste avec tout ce que cela suppose comme préjugés à l’encontre des
gouvernés.
Y-a-t-il
une alternative pour l’Algérie compte tenu du retard accusé dans tous les
autres domaines ?
La
question est certes très pessimiste, mais elle mérite d’être posée, car il y a
réellement urgence à initier un projet mobilisateur pour les 50 prochaines
années et cette vision de « L’Algérie Hub énergétique » est certainement
la plus réaliste et la plus prometteuse, compte tenu du fait qu’elle ne
compromet pas le développement d’autres secteurs jugés stratégiques tels que
l’agriculture.
N’occultons
pas les problèmes de l’eau, de l’attractivité du monde occidentale et des pays
du Golf, qui peuvent gravement compromettre notre développement.
Les
Algériens, ont besoin de rêver d’une Algérie meilleure et de vivre leur rêve.
Ils demandent à accéder à un niveau de vie en adéquation avec leur potentiel,
en adéquation avec leurs ressources toutes confondues. Alors offrons leur cette
option qui préservera sans aucun doute et mieux que nulle autre, l’avenir de ce pays.
Je
crois beaucoup au proverbe aborigène qui dit que « les mots sont emportés
par le vent qui les sème dans les oreilles de tous ceux qui veulent bien les
entendre » si c’est le cas j’espère que ce sera entendu.