In la Presse de Tunisie
Depuis 2011, le
Maghreb connaît une accélération de l'histoire. Débuté dans une ville pauvre de
la Tunisie centrale, le mouvement de transformation a touché tous les pays du
Maghreb. Partout, la société civile exprime des revendications fortes, partout
de nouveaux acteurs politiques sont apparus et demandent de participer
pleinement à la vie politique, les populations aspirent à une vie plus digne,
des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, le respect des libertés
fondamentales et la bonne gouvernance.
Depuis les révolutions, les pays du Maghreb ont pris
conscience de l'importance de développer les relations entre eux. Les visites
des ministres marocains et algériens dans les pays respectifs se sont
multipliées, et sous l'impulsion du président tunisien Marzouki, un sommet de
l'Union du Maghreb Arabe pourrait prochainement avoir lieu. De nombreux acteurs
de la société civile et des chefs d'entreprise appellent à une relance de la
coopération intramaghrébine comme un projet qui peut mobiliser les énergies et
donner de nouvelles perspectives.
A l'heure où l'Union européenne vient de recevoir le Prix
Nobel de la paix, l'expérience européenne peut donner aux pays du Maghreb des
idées afin de rapprocher les populations, d'accélérer la croissance et
l'emploi, de favoriser le règlement des différends politiques, et de développer
les solidarités concrètes et ainsi faire face aux problèmes communs, tels que
la menace terroriste, la création d'emplois, la désertification ou le
changement climatique.
Le Maghreb est en effet une des régions les moins
intégrées de la planète, plusieurs études ont montré qu'une plus forte
intégration pourrait accroître la richesse de chacun des pays de 1 à 2 pour
cent par an. Et l'expérience européenne a prouvé que même des économies qui sont
similaires bénéficient de l'ouverture des frontières et du développement des
échanges.
L'intégration régionale exige des efforts d'adaptation,
mais nous sommes convaincus qu'elle procurerait d'importants bénéfices pour
toute la région, et aussi pour l'Union européenne.
C'est pourquoi la
Commission européenne et la haute représentante de l'UE pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité viennent de publier une communication
conjointe qui propose toute une série d'actions pour renforcer la coopération
entre l'UE et le Maghreb.
Cette communication, qui propose une stratégie de l'UE
plus ambitieuse, est axée sur les éléments suivants :
• Renforcer le dialogue politique, notamment en matière de
sécurité et de défense, ainsi que de droits de l'Homme et de démocratisation;
• Développer le dialogue politique et la coopération entre
l'UE et les organisations et initiatives régionales telles que l'Union du
Maghreb Arabe et le 5+5 (forum regroupant 10 pays concernés par la Méditerranée
occidentale), notamment dans la mise en oeuvre de la stratégie UE-Afrique ou
pour faire face à l'instabilité dans la région sahélo-saharienne;
• Intensifier la coopération sectorielle, notamment en
matière de transport, d'énergie, de commerce, de développement social, de politique
maritime, d'environnement, de développement culturel et humain, etc.
Par exemple, le développement de la coopération
énergétique est un domaine où l'intégration maghrébine pourrait avoir des
bénéfices à la fois pour les pays partenaires et, à plus long terme, pour
l'Union européenne en ouvrant la voie à l'exportation d'électricité d'origine
renouvelable du Maghreb vers l'UE. Nous proposons un soutien européen concret
aux pays maghrébins pour construire ce marché commun électrique.
Le développement des relations entre les organisations de
la société civile des pays maghrébins et aussi une priorité qui a été
identifiée par les pays eux-mêmes comme un outil de soutien à la transition
politique et un moyen de mieux obliger les gouvernements à rendre des comptes à
leurs populations. L'Union européenne est disposée à soutenir la constitution
et le développement des réseaux de ces organisations, et d'autres organisations
non étatiques, comme celles réunissant les hommes d'affaires et les
syndicalistes.
Dans le processus de transformation historique actuel, le
renforcement de la coopération régionale entre les pays du Maghreb est un
facteur de stabilité que l'Union européenne souhaite soutenir. C'est l'ambition
de ces nouvelles propositions que nous allons maintenant discuter plus en
détail avec les Etats membres de l'UE et nos partenaires maghrébins. J'espère
qu'elles vont déboucher sur une nouvelle dynamique entre les deux régions.