Par Ammar Belhimer in Le soir d'Algérie ambelhimer@hotmail.com
Les villages n’échappent pas au fléau : les oueds sont inondés de sacs poubelles de toutes les couleurs et des dépotoirs d’ordures sont improvisés à l’entrée des petites bourgades.
Cécile Ernst, agrégée de sciences économiques et sociales, enseignante dans un lycée de Versailles, vient de publier Bonjour madame, merci monsieur (*), pour montrer combien la politesse et les règles de civilité sont nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie et comment son affaiblissement provoque la multiplication des infractions et atteintes au droit et le retour à la loi du plus fort.
Elle expliquait récemment le pourquoi de la chose pour un pays comme la France : «Historiquement, la Révolution a marqué une rupture : les règles du savoir-vivre sont rejetées car assimilées à l’étiquette royale.
«Les révolutionnaires s’opposent aux usages anciens au nom de l’égalité. Saint- Just dira même que «la grossièreté est une sorte de résistance à l’oppression».
On retrouve exactement le même mécanisme dans la révolution bolchevique. C’est aussi au nom de l’égalité que des sociologues vont contester, dans les années 1960, des règles qui correspondent, selon eux, à des pratiques de castes. Dans une perspective marxisante, Pierre Bourdieu et ses successeurs vont s’efforcer de démontrer que la culture (le «capital culturel») est «un instrument de domination des classes dominantes sur les classes dominées». Cette dénonciation du rôle de la culture dans le phénomène de reproduction sociale va aboutir à la remise en cause des codes sociaux structurant nos sociétés, donc du savoir-vivre. Ce faisant, cette contestation a mis à mal – pas toujours sciemment – le modèle républicain de l’honnête homme, la civilité».
Egalitarisme, populisme, féminisme ont fait le reste depuis Mai 68 avec l’avènement du credo : «Il est interdit d’interdire ».
Tout au long du siècle écoulé, le monde aura vécu sous le joug d’une sorte de démophilie, un barbarisme qui désigne «l’amour des pauvres et des déshérités» dont on connaît les conséquences, bonnes ou mauvaises, qu’il a produites sur l’issue du mouvement de libération nationale et sociale.
L’auteur de Bonjour madame, merci monsieur ajoute : «Ce qui est étonnant, c’est que ces hommes et ces femmes avaient des projets collectifs (je pense à l’écologie) mais qu’ils ont oublié le rôle fondateur de la loi : c’est la loi qui permet de vivre ensemble. Lacordaire avait raison de dire qu’entre le fort et le faible, c’est la loi qui libère et la liberté qui opprime.»
Ce à quoi s’ajoute aussi un excès de tolérance : «La tolérance est en soi une qualité mais elle est devenue un impératif. La société s’interdit de juger tout comportement. Elle valorise même les choix de vie qui ne sont pas dans la norme. Là encore, c’est une affaire de mesure. Au nom de la tolérance, on finit par accepter des comportements qui pourraient mettre en danger nos démocraties.»
Le salut semble provenir de la réhabilitation des valeurs originelles de la démocratie.
L’élection qui en est un acte élémentaire constitutif, nécessaire mais insuffisant, a une origine religieuse. Elire vient de eligere qui évoque l’idée de sélection, non de choix au hasard. La technique, ou l’instrument, est mise au point par les ordres religieux qui pratiquent l’élection avec succès et sans interruption depuis plus de mille ans. Dans le choix de leurs supérieurs, les ordres religieux ont, dès le VIe siècle, recouru aux méthodes électorales les plus sophistiquées : vote secret, majorité simple, majorité qualifiée, etc. Ces techniques confortent le principe de sélection et non de choix au hasard : major pars (majorité) étant étroitement associé à sanior pars ou major pars (partie la plus saine ou la meilleure).
Jefferson avait traduit cela de manière fort belle en 1801 en soutenant que la majorité «pour être légitime, doit être responsable ».
Il est donc évident que politesse et démocratie sont étroitement liées : «La civilité, définie comme «les bonnes manières à l’égard d’autrui», est le fondement et le ciment d’une société démocratique. C’est l’oubli des règles de politesse qui explique le développement alarmant des «incivilités» : injures, graffitis, retards, tricheries… En ne les sanctionnant pas, on laisse les jeunes concernés s’enfermer dans une logique d’impunité qui leur donne progressivement un sentiment de toute-puissance. Et c’est ainsi que la loi du plus fort s’impose à l’école et dans l’espace public.» ..........
L’incivisme est en passe de transformer nos villes en espaces de non-droit : des étudiants qui agressent leurs professeurs, des automobilistes, hommes et femmes, qui abusent du téléphone au volant, qui stationnent en plein milieu de la voie publique pour sortir faire leurs courses, du mobilier urbain et des équipements publics saccagés, une violence urbaine croissante, une prolifération des injures, des insultes, des grossièretés et de nombreuses autres formes d’incivisme.
Les villages n’échappent pas au fléau : les oueds sont inondés de sacs poubelles de toutes les couleurs et des dépotoirs d’ordures sont improvisés à l’entrée des petites bourgades.
Cécile Ernst, agrégée de sciences économiques et sociales, enseignante dans un lycée de Versailles, vient de publier Bonjour madame, merci monsieur (*), pour montrer combien la politesse et les règles de civilité sont nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie et comment son affaiblissement provoque la multiplication des infractions et atteintes au droit et le retour à la loi du plus fort.
Elle expliquait récemment le pourquoi de la chose pour un pays comme la France : «Historiquement, la Révolution a marqué une rupture : les règles du savoir-vivre sont rejetées car assimilées à l’étiquette royale.
«Les révolutionnaires s’opposent aux usages anciens au nom de l’égalité. Saint- Just dira même que «la grossièreté est une sorte de résistance à l’oppression».
On retrouve exactement le même mécanisme dans la révolution bolchevique. C’est aussi au nom de l’égalité que des sociologues vont contester, dans les années 1960, des règles qui correspondent, selon eux, à des pratiques de castes. Dans une perspective marxisante, Pierre Bourdieu et ses successeurs vont s’efforcer de démontrer que la culture (le «capital culturel») est «un instrument de domination des classes dominantes sur les classes dominées». Cette dénonciation du rôle de la culture dans le phénomène de reproduction sociale va aboutir à la remise en cause des codes sociaux structurant nos sociétés, donc du savoir-vivre. Ce faisant, cette contestation a mis à mal – pas toujours sciemment – le modèle républicain de l’honnête homme, la civilité».
Egalitarisme, populisme, féminisme ont fait le reste depuis Mai 68 avec l’avènement du credo : «Il est interdit d’interdire ».
Tout au long du siècle écoulé, le monde aura vécu sous le joug d’une sorte de démophilie, un barbarisme qui désigne «l’amour des pauvres et des déshérités» dont on connaît les conséquences, bonnes ou mauvaises, qu’il a produites sur l’issue du mouvement de libération nationale et sociale.
L’auteur de Bonjour madame, merci monsieur ajoute : «Ce qui est étonnant, c’est que ces hommes et ces femmes avaient des projets collectifs (je pense à l’écologie) mais qu’ils ont oublié le rôle fondateur de la loi : c’est la loi qui permet de vivre ensemble. Lacordaire avait raison de dire qu’entre le fort et le faible, c’est la loi qui libère et la liberté qui opprime.»
Ce à quoi s’ajoute aussi un excès de tolérance : «La tolérance est en soi une qualité mais elle est devenue un impératif. La société s’interdit de juger tout comportement. Elle valorise même les choix de vie qui ne sont pas dans la norme. Là encore, c’est une affaire de mesure. Au nom de la tolérance, on finit par accepter des comportements qui pourraient mettre en danger nos démocraties.»
Le salut semble provenir de la réhabilitation des valeurs originelles de la démocratie.
L’élection qui en est un acte élémentaire constitutif, nécessaire mais insuffisant, a une origine religieuse. Elire vient de eligere qui évoque l’idée de sélection, non de choix au hasard. La technique, ou l’instrument, est mise au point par les ordres religieux qui pratiquent l’élection avec succès et sans interruption depuis plus de mille ans. Dans le choix de leurs supérieurs, les ordres religieux ont, dès le VIe siècle, recouru aux méthodes électorales les plus sophistiquées : vote secret, majorité simple, majorité qualifiée, etc. Ces techniques confortent le principe de sélection et non de choix au hasard : major pars (majorité) étant étroitement associé à sanior pars ou major pars (partie la plus saine ou la meilleure).
Jefferson avait traduit cela de manière fort belle en 1801 en soutenant que la majorité «pour être légitime, doit être responsable ».
Il est donc évident que politesse et démocratie sont étroitement liées : «La civilité, définie comme «les bonnes manières à l’égard d’autrui», est le fondement et le ciment d’une société démocratique. C’est l’oubli des règles de politesse qui explique le développement alarmant des «incivilités» : injures, graffitis, retards, tricheries… En ne les sanctionnant pas, on laisse les jeunes concernés s’enfermer dans une logique d’impunité qui leur donne progressivement un sentiment de toute-puissance. Et c’est ainsi que la loi du plus fort s’impose à l’école et dans l’espace public.» ..........